Mai 68, la nostalgie en moins.

usine 250Mai 68, cet évènement improbable dont la date de péremption est largement dépassée est aujourd’hui recyclé en mythe négatif par les nouveaux anti-Mai 68. Essai de bilan de « l’esprit de mai 68 », où l’on traverse en diagonale le néo-libéralisme, l’individualisme contemporain, les luttes d’ouvriers et de paysans, la question écologique, la libération sexuelle, le dogme religieux, l’effondrement des valeurs, la démocratie directe, Internet, pour tenter de cerner ce qui fait la spécificité de Mai 68.

J’avais oublié, presque oublié, que j’avais battu le pavé parisien; j’ai même égaré mes souvenirs, textes, photos, affiches, dans l’un de mes déménagements. Auraient-ils donc raison, Daniel Cohn-Bendit proclamant : « Oubliez Mai 68 ! » ou Luc Ferry: « J’aurais presque envie de dire que Mai 68 n’a pas existé », voire Lacan qui fait de « l’émoi de Mai », en quelque sorte, une expression sans lendemain du joli mois de mai ?

Mai 68, c’est, en effet, une autre époque, avant le grand tournant de la crise, avant le nouveau totalitarisme néo-libéral qui s’impose dans les années 1980, avant la mondialisation galopante.

Et voilà, quatre décennies après, qu’on me réveille brutalement. Même si la petite musique de la controverse ressurgit à tous les grands anniversaires et que tout a été dit et son contraire sur mai 68.

Ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’on foule à nouveau le pavé parisien, mais ce ne sont pas les mêmes: ce sont les trompettes de la Manif pour (pas) tous dont les porte-parole annoncent hâtivement l’avènement d’un anti-mai 68 ou d’un mai 68 à l’envers, au choix.

Celui qui avait donné le ton, un mandat d’avant, c’était Nicolas Sarkozy (sous la plume d’Henri Guaino), dans son discours profession de foi du 29 avril 2007 à Bercy. Il se proposait de « liquider l’héritage de mai 68 », un héritage épinglé à la gauche tout entière: Mai 68 aurait défait la belle civilisation que nous avons reçue en héritage, et il faudrait revenir, votez pour moi, à des valeurs sûres.

Mai 68 me revient donc comme un boomerang, me signifiant que j’aurais participé à une entreprise de démolition de la civilisation! Mai 68, cet évènement explosif dans son genre, mais pourtant bien circonscrit, se révèlerait comme un évènement historique de grande ampleur. Et j’avais été là, sans le savoir, atome d’un sujet collectif majeur – mais un sujet pervers !

Cette charge me fait redécouvrir avec surprise l’héritage de Mai 68. Pour le cerner, il faudra distinguer ce qui revient à une évolution générale de nos sociétés et ce qui peut être référé spécifiquement à Mai 68, un Mai 68 qui à la fois se situe dans cette évolution et se trouve en rupture avec elle. On verra finalement que nous avons tous, en quelque sorte, une addiction à Mai 68, y compris ceux qui en sont les contempteurs.

Le néo-libéralisme à la sauce Mai 68.

Ce qui est aberrant dans le discours de Sarkozy en 2007, à Bercy, ce n’est pas seulement son aspect politicien classique (on caricature l’autre pour mieux le dénigrer), ce n’est pas seulement qu’on projette sur Mai 68, devenu victime émissaire, tous les maux de notre société, mais c’est qu’on fabrique un Mai 68 imaginaire qui est, par bien des traits, l’exact inverse de ce qu’a été le Mai 68 effectif. Curieusement, ce procès prend largement son inspiration chez des ex-soixante-huitards repentis.

En hors-d’oeuvre sarkoziste, ceci: « Voyez comment le culte de l’argent roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portés par les valeurs de mai 68. Voyez comment la contestation de tous les repères éthiques, de toutes les valeurs morales a contribué à affaiblir la morale (sic) du capitalisme, comment elle a préparé le terrain au capitalisme sans scrupules et sans éthique des parachutes en or, des retraites chapeaux et des patrons voyous, comment elle a préparé le triomphe du prédateur sur l’entrepreneur, du spéculateur sur le travailleur. »

Ainsi donc, si l’on suit la logique du propos, Reagan et Thatcher, qui ont ouvert la voie au triomphe de l’ultra-libéralisme (consubstantiellement lié à la spéculation financière), seraient en réalité des crypto-soixante-huitards !

En toute incohérence, ces grands patrons dont les entreprises font de l’évasion (pardon, de l’optimisation) fiscale dans des paradis exotiques, vilipendés à midi comme de méchants soixante-huitards, deviennent le soir (au Fouquet’s par exemple, un soir d’élection) des copains avec qui on se tape sur l’épaule en sablant le champagne.

Dans une belle schizophrénie, Sarkozy projette sur mai 68, présenté comme l’ennemi à abattre, ce qu’il est lui-même, un partisan à la française du néo-libéralisme dominant.

La manipulation du discours est sans limite, dans le brouillage complet des repères, avec le cynisme et l’opportunisme les plus effrontés qui soient. On peut se contenter de rire de cette guignolade. Il ne le faut pas. Il est inquiétant que de tels discours soient tenus, reçus, performativement répétés, accompagnés aujourd’hui, côté Manif pour (pas) tous, de folles rumeurs qui hystérisent le débat.

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De quoi Mai 68 est-il le nom ?

Avant d’instruire l’acte d’accusation de Mai 68, avant de se demander s’il reste une inspiration à en tirer aujourd’hui, demandons-nous ce que veut dire Mai 68.

En tant qu’évènement, mai 68 est obscur, inattendu, inclassable, multiforme et disparate: une révolte sans programme, sans organisation, sans stratégie; une crise culturelle, puis sociale, puis politique; un mouvement étudiant et la plus grande grève ouvrière de l’histoire de France; une contestation locale devenue globale face à un pouvoir muet qui n’a qu’une réponse répressive; une émeute mais pas une insurrection, un « mouvement révolutionnaire » mais « sans révolution » selon la formule d’Alain Touraine; une révolte générationnelle, la jeunesse petite-bourgeoise contestant le statut social qu’on lui assigne, unie localement à la jeunesse ouvrière, contre les appareils politiques, syndicaux, étatiques; beaucoup de paroles, des actions, une visée utopique; une volonté de rupture, mais pas celle de « prendre le pouvoir ».

C’est une contestation contradictoire. D’un côté, le maximum de spontanéisme, avec Daniel Cohn-Bendit et le Mouvement du 22-mars, déclencheur des évènements. De l’autre, un franc dogmatisme avec les groupes d’extrême-gauche (trotskystes, maoïstes) qui croient que la Révolution est en marche. Au milieu, une masse d’acteurs et de participants enthousiastes, qui veulent mettre « L’imagination au pouvoir« , et se reconnaissent dans la formule de Che Guevara: « Soyez réalistes, demandez l’impossible. » Le tout se déroule dans une ambiance assez « bordélique ». Ajoutez la grève et la paralysie du pays et vous avez « la chienlit » que dénonçait de Gaulle.

Impossible cependant de saisir le sens de Mai 68 sans le contextualiser, sans faire référence à une société figée, patriarcale, mandarinale, paternaliste (le père, le prof, le patron), encadrée par dix ans (« Dix ans, ça suffit! ») d’un gaullisme qui avait verrouillé l’information diffusée par la télé d’Etat, l’ORTF.

A quoi s’ajoute que Mai 68 est plus large que mai 68. Le mouvement prend ses racines aux Etats-Unis dans le combat pour les droits civiques (Martin Luther King est assassiné le 4 avril 1968) et dans la lutte contre la guerre du Vietnam, née sur les campus universitaires, relayée en France par les comités Vietnam. Il plonge ses racines également dans le mouvement de la contre-culture hippie, avec son Peace and Love. Pourtant Mai 68 n’est pas identifiable au mouvement hippie même si les recoupements entre les deux sont nombreux. Mai 68 est plus politisé, plus « lutte de classes » que le mouvement hippie qui est de son côté plus hédoniste et psychédélique, mêlant amour libre et spiritualité. En mai 68, l’attrait des paradis artificiels était absente.

Mai 68 est plus large que mai 68 également parce qu’il couvre une série d’évènements dans les métropoles de nombreux pays développés, jusqu’au Japon. Il recoupe aussi les révoltes face aux régimes staliniens en Europe de l’Est, à commencer par le printemps de Prague, préfigurant le grand écroulement du mur vingt ans plus tard. Faut-il inclure dans l’esprit de mai 68 la Révolution culturelle chinoise (1966-1976) ? Par certains traits extérieurs, qu’imitera le mouvement de mai, oui (les dazibaos, « libre expression » de la contestation par des affiches murales), mais fondamentalement non, il en est au contraire l’inverse terroriste: la Révolution culturelle, c’est un mouvement téléguidé d’en haut, où la jeunesse est embrigadée au service d’une lutte de pouvoir au sommet de l’appareil d’Etat chinois.

Enfin, mai 68 en France, précédé par des grèves ouvrières très dures en 1967, est prolongé, bien après dissipation du brouillard des gaz lacrymogènes, par deux luttes emblématiques, celle du Larzac et celle des Lip.

Plus largement encore, Mai 68 réactive à sa façon une tradition révolutionnaire (excusez l’oxymore) bien française, celle qui s’exprime dans la Commune de Paris, et s’inscrit même dans le temps long de l’histoire de la civilisation occidentale.

L’esprit de mai 68.

On laissera de côté les évènements dans leur chronologie et leur explication, pour nous fixer sur une dimension compréhensive plus large: « l’esprit de mai 68 » et non pas « la pensée de mai 68 » qui n’existe pas de façon consistante. Certes, un bouillonnement intellectuel roboratif trouvera son site à l’université expérimentale de Vincennes, lancée en 1969. Gilles Deleuze, Michel Foucault, Alain Badiou et bien d’autres y interviennent. Le plan philosophique des concepts deleuziens (micropolitique, par exemple) ou foucaldiens (microphysique du pouvoir, par exemple) recoupent en bien des points le plan immanent de mai 68. Il n’y a pas pour autant quelque chose qui puisse s’intituler LA pensée de mai 68.

Mais l’esprit de mai 68, n’est-ce pas une notion fumeuse ? Le réel de mai 68 reste innommable. De multiples interprétations sont possibles en raison du caractère atypique, clivant et contradictoire de mai 68. Comme tout évènement de ce type, il a ses côtés lumineux et ses excès (il s’agissait de « tordre le bâton dans l’autre sens »). De quel droit alors décider de ce qu’est l’esprit de mai 68 ? Toute interprétation est une construction opérée à partir d’un découpage sélectif, une décision reposant sur des présupposés intellectuels ou affectifs. Pourtant toutes les interprétations ne sont pas honnêtement recevables.

L’individuel et le collectif.

Soit Luc Ferry, par exemple, interrogé par Christian Rioux: « Mai 68 n’est qu’un tout petit épisode dans la très longue histoire de l’individualisme révolutionnaire et de la révolte des individus contre les valeurs et les institutions traditionnelles (…) il fallait que les valeurs traditionnelles fussent déconstruites pour que le capitalisme s’épanouisse (…) Il fallait que les contestataires cassent les valeurs traditionnelles pour que l’on puisse entrer dans l’ère de l’hédonisme. « Jouir sans entrave » est un slogan capitaliste, car le capitalisme fonctionne à la consommation et même à l’hyperconsommation. » Individualisme, effacement des traditions, jouissance sans limite, et, ô ruse de l’histoire, ce Mai 68 écervelé aurait promu ce qu’il croyait combattre, présidant à l’émergence du nouveau capitalisme. Voilà résumé l’acte d’accusation de Mai 68. Là se trouve la source commune à la critique de gauche de mai 68, initiée par Régis Debray dès 1978 dans « Mai 68, une contre-révolution réussie », et à la critique de droite sarkoziste qui s’invente ainsi son ennemi de campagne.

Il faut y voir de plus près. Individualisme ? L’individualisme méthodologique fait de l’atome humain le fondement de la société et la source des « droits subjectifs ». Il est la base du libéralisme politique depuis Locke et du libéralisme économique depuis Adam Smith. Dans le langage courant, il est compris comme l’attitude de celui qui ne tient pas compte des autres et conduit sa vie égoïstement, guidé par ses intérêts immédiats et ses préférences personnelles. D’où l’ambiguïté du reproche d’individualisme, attribué à Mai 68, et qui est en même temps, retournement inattendu, porté au crédit d’une adaptation au capitalisme.

Or ce que l’acteur de mai réclame, c’est la capacité de s’épanouir personnellement, d’ouvrir le champ des possibles, de s’émanciper des autorités figées qui dominent la société. Une revendication d’autonomie plus que d’individualisme. Non pas un hédonisme narcissique, mais le goût des autres. Rien à voir avec l’individualisme grégaire véhiculé par la « culture » actuelle et dont Tocqueville, il y a près de deux siècles, repérait déjà les prémices dans la démocratie américaine.

Cette revendication d’autonomie s’articule avec la volonté du collectif. Lorsque Daniel Cohn Bendit est expulsé de France, le slogan « Nous sommes tous des juifs allemands », est le plus stupéfiant de mai 68 par le sens multiple qu’il véhicule. Il est le paradigme de la solidarité qui traverse les luttes de mai.

Etudiants et ouvriers, les premiers socialement destinés à encadrer les seconds, comment pourraient-ils se comprendre et faire cause commune ? Pourtant les uns et les autres contestent cette distribution des rôles imposée par le système. Ouvriers, paysans, étudiants, tous unis, le mot d’ordre de solidarité, malgré les obstacles, se concrétise dans les luttes.

Du point de vue organisationnel, mai 68 ne marche ni au mot d’ordre venu d’en haut, ni au chacun pour soi. Le mouvement a pour cellule active le comité de base ou le comité d’action, regroupement local de volontés autour d’un but déterminé, d’une action de proximité et se fédérant horizontalement en réseau.

Mai 68, en effet, échappe à la gauche institutionnelle qui fonctionne à la « centralisation ». Le PCF (suivi par la CGT) dénonce les provocateurs « gauchistes ». Mitterrand, qui va bientôt prendre la tête du PS, se situe sur une autre planète et mai 1981 sera l’enterrement de mai 68. Même les accords de Grenelle, négociés par les syndicats pour arrêter la grève, sont rejetés par la base ouvrière. Restent la « 2ème gauche » du PSU et la CFDT, qui tentent une alternative politique et syndicale. Mais le projet du PSU échouera et Michel Rocard rentrera dans le rang.

Mai 68 est partisan de l’émancipation personnelle et collective, il est à la fois local et global. Il a un regard tourné vers le monde, il est volontiers « tiers-mondiste », on dira aujourd’hui altermondialiste. Les acteurs de mai 68 sont à l’origine de grands mouvements humanitaires, à commencer par MSF (Médecins Sans Frontières), et d’ONG qui se battent pour les droits humains à l’échelle de la planète. Et si la revendication des droits humains est parfois considérée comme la bonne conscience de l’individualisme, elle n’est pas que cela, à preuve ces peuples qui s’en emparent pour réclamer leur liberté.

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Lip, Larzac, ouvriers et paysans.

Deux luttes exemplaires s’inscrivent dans la ligne de Mai 68. La lutte du Larzac et celle des Lip. Lutte de paysans, lutte d’ouvriers, les deux s’unissant et rencontrant un vaste soutien populaire. Les deux mouvements sont pacifiques (voire pacifistes) quoique menant des actions illégales. A noter, à l’adresse des anti-Mai 68, que dans les deux cas, des croyants sont partie intégrante de ces luttes, rimant parfois avec une « théologie de la libération » qui n’a jamais été en odeur de sainteté dans l’Eglise catholique.

Le temps fort (1973-1974) de la lutte des horlogers de Lip contre un plan de licenciement, c’est l’occupation de l’usine et l’amorce d’une autogestion sauvage : « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie » dit le mot d’ordre du comité d’action. Le site de Lip fermera en 1977 mais essaimera en coopératives à Besançon, et fera des émules ailleurs. On en trouve un écho aujourd’hui avec Les Atelières des ex- Lejaby. Plus généralement, au rêve d’autogestion s’est substitué aujourd’hui le projet de l’économie sociale et solidaire, entre Etat et marché.

Le Larzac gagnera après 10 ans de lutte (1971-1981): 103 paysans, indéfectiblement unis, se battent contre l’extension d’un camp militaire en pratiquant une désobéissance civile non violente, ponctuée d’actions d’éclat, de défilés de tracteurs, de grands rassemblements festifs. La lutte du Larzac trouve son prolongement dans le combat anti-nucléaire et se retrouve aujourd’hui dans la contestation du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes.

Vers l’écologie politique.

Mai 68 serait un précurseur de l’hyper-consommation typique de la manipulation du capitalisme contemporain, nous dit Luc Ferry. Or, la société de consommation n’a pas attendu mai 68, elle prend ses racines aux Etats-Unis, au sortir de la deuxième guerre mondiale. Mieux, Mai 68 est un mouvement anti-fric, anti-accumulation des objets, critique de la publicité, à l’opposé d’un projet de croissance économique illimitée. L’esprit de mai est un des précurseurs de l’écologie, c’est à dire du moment actuel de notre civilisation.

On se moque à tort de ces « soixante-huitards » idéalistes partis s’établir à la campagne, pratiquant le « retour à la terre », parfois dans des « communautés » (encore un refus du strict individualisme). J’en ai un exemple dans ma famille: médecin à Paris, elle est partie, en couple, s’installer dans une ferme du Sud-Ouest et appliquer des méthodes de culture et d’élevage raisonnées, avec un succès dont le critère n’est pas la « réussite financière », mais un mode de vie équilibré, économe sans être ascétique.

Contester l’hyperconsommation et appeler à la jouissance généralisée, n’est-ce pas une nouvelle incohérence de Mai 68 ? Pas du tout, car la jouissance, si elle ne fait pas en soi un programme, est du moins une activité simple et gratuite, Diogène, un brin provocateur, le proclamait déjà il y a plus de deux mille ans.

La jouissance pour tous.

« Jouir sans entrave » est, en effet, l’un des mots d’ordre décrié de mai 68. Il est l’expression, nous dit-on, d’un désir prêt à s’assouvir par tous les moyens, le projet d’une jouissance absolue, d’une sexualité transgressive désinhibée et désublimée. Les (futurs) « bobos » seraient-ils donc des descendants des bonobos? Il faut replacer le slogan dans le contexte d’une époque où l’ordre moral dominait (ainsi de la ségrégation entre étudiantes et étudiants dans les résidences universitaires, point qui a été l’étincelle de la contestation à Nanterre.)

Or, l’esprit de mai 68 est celui de la liberté et de l’égalité, nécessairement inséparables. Pas de liberté ni d’égalité sans le principe de réciprocité. Si je jouis, mon partenaire doit jouir aussi et même d’abord. La liberté de l’autre est ma limite, ou mieux, mon point d’appui. Le consentement est la règle, sinon il y a perversion. Un comportement prédateur, quand il existe, vient d’ailleurs, il ne peut se justifier du slogan, sauf à en violer le sens intrinsèque.

Soit le mot d’ordre symétrique: « Il est interdit d’interdire. » Ce slogan autoréférentiel, provocateur en tant que tel, est une formule qui s’auto-détruit. Certains ont voulu comprendre ces deux slogans épouvantails au premier degré, comme le projet de suspendre toute éthique. Cette interprétation sauvage est malhonnête.

Ce qu’il y a, c’est que Mai 68 appelle à une « libération sexuelle ». Les femmes sont les premières concernées. Elles remettent en cause la domination masculine, elles veulent pouvoir contrôler l’usage de leur corps quant à la sexualité et à la procréation, et affirmer leur droit à l’égalité sur tous les plans (alors que la fin de leur « minorité » financière et sociale ne date que de 1965). Elles viennent sur le devant de la scène avec le Mouvement de libération des femmes (fondé en octobre 1968), le journal Le Torchon brûle et le Manifeste des 343 pour le droit à l’avortement (1971). Malgré l’évolution de la loi (à commencer par la loi Veil sur l’IVG en 1975), le feu continue de couver et l’égalité réelle est encore loin.

Les homosexuels (lesbiennes et gays) font un pas en avant pour afficher leur visibilité et stigmatiser l’exclusion dont ils sont l’objet, avec le Front homosexuel d’action révolutionnaire (1971). Les premiers coming out ont lieu. C’est le début d’un mouvement vers l’ inclusion sociale des homosexuels. Il ouvre un débat sur l’identité et la différence et sur leur traduction dans le droit. Cependant, l’idée de réclamer le mariage pour tous est étrangère à l’anti-conformisme de Mai 68.

Le crépuscule des valeurs ?

Revenons au discours de Bercy, en 2007. Sarkozy déclare encore, à la manière de Finkielkraut: « Mai 68 nous avait imposé le relativisme intellectuel et moral. Les héritiers de mai 68 avaient imposé l’idée que tout se valait, qu’il n’y avait aucune différence entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid. »

Que Mai 68 inverse certaines valeurs, sans doute, encore faut-il savoir ce qu’on entend par « bien » et « mal »: les valeurs sont des réalités non pas naturelles mais culturelles. Que Mai 68 rende équivalent le bien et le mal, en soi cela n’a aucun sens; pris à la lettre, il faudrait en déduire: CRS = manifestant; de Gaulle = Cohn-Bendit; patron prédateur = travailleur exploité, aliénation = émancipation, etc.

On l’a vu, l’esprit de mai 68 affirme avec force des valeurs de liberté, d’égalité, de camaraderie, de goût de la justice, et même de « goût du travail » avec les Larzac et les Lip! Malgré le slogan: « A bas le travail! » – car de quel travail s’agit-il ?

C’est au contraire le capitalisme qui signifie la perte des valeurs et leur équivalence dans un régime de domination de la valeur d’échange sur la valeur d’usage. Tout s’achète et se vend avec le capitalisme, y compris l’honneur et l’amour. Tout s’achète et se vend, y compris les corps souffrants des travailleurs qu’on utilise puis qu’on jette. Tout s’achète et se vend, y compris les sportifs et les artistes. Tout s’achète et se vend, y compris les armes sophistiquées ou le droit de polluer. Tout s’achète et se vend, y compris des produits spéculatifs obscurs qui génèrent des crises dévastatrices. Et les bénéfices des nouveaux oligarques se dissimulent dans des paradis fiscaux (paradis pour quelques élus, enfer pour les peuples) où se mêlent l’évasion fiscale et l’argent du crime organisé (et ce, jusque dans la « banque » du Vatican!) C’est cela, l’esprit du capitalisme, l’opposé de l’esprit de mai 68.

Ce n’est pas Mai 68 qui a perverti le « vivre ensemble », bien au contraire, c’est le libéralisme sauvage qui a fait contagion dans toute la société en pratiquant la marchandisation du désir, la compétition individuelle, la recherche du profit spéculatif sans limite, avec pour résultat une explosion des inégalités qui menace la démocratie elle-même.

Qu’est-ce qui fait autorité ?

Sarkozy : « Ils avaient proclamé que tout était permis, que l’autorité c’était fini, que la politesse c’était fini, que le respect c’était fini, qu’il n’y avait plus rien de grand, plus rien de sacré, plus rien d’admirable, plus de règle, plus de norme, plus d’interdit. »

C’est une vieille rengaine: depuis la nuit des temps on nous répète que les valeurs se perdent, que l’autorité, qu’elle soit charismatique, traditionnelle ou « rationnelle », se délite, que les traditions s’oublient. La pente décline depuis toujours!

Or le processus de critique des autorités établies, la contestation des traditions, l’accueil de l’innovation, c’est non seulement un processus qui se répète à chaque génération, mais c’est le propre même de la modernité, depuis la Renaissance. L’essence de la modernité, c’est la sortie des pouvoirs traditionnels (féodalité, monarchie alliée à l’Eglise), c’est un procès continu de sécularisation qui trouve son expression dans la laïcité à la française.

Les contempteurs de mai 68 opposent l’héritage judéo-chrétien qui place l’homme sous la transcendance de Dieu à la démesure de l’homme qui prétend fonder sur lui-même toutes les valeurs et les transformer à sa guise, sombrant dans le nihilisme.

Or, d’un côté les anciennes valeurs et traditions, en particulier le culte de la race et celui de la Nation (toutes réalités anthropologiques non pas naturelles mais culturelles), ont produit l’horreur des guerres mondiales et du nazisme; d’un autre côté, la démesure du stalinisme, qui prétendait fabriquer rationnellement l’homme nouveau à partir d’une table rase, a sombré dans l’autre grande horreur du siècle. Les religions elles-mêmes ont partie liée aux guerres, aux oppressions et aux obscurantismes. Ces autorités-là ont failli.

Dans ce combat de Géants, l’empire soviétique s’est écroulé et le capitalisme financier a remporté la manche. Mai 68, quant à lui, condamnait et la domination du capitalisme et le stalinisme. Il se situe ailleurs, plus modestement, installé dans la posture post-moderne de la fin des idéologies, tout en se cherchant désespérément la sienne propre.

Qu’on comprenne bien: l’humain ne peut se passer d’un héritage (la culture est notre base) et l’émancipation est toujours à conquérir (il y a la vérité des luttes sociales). Pour ce qui est des religions, bien entendu les croyants sont capables d’oeuvres de solidarité et de paix. Ils n’en ont pas le monopole et c’est pourquoi, sur ce point, au final, la religion ne fait pas la différence.

Il y a donc une mesure à prendre : ni une seule valeur suprême totalitaire, ni n’importe quelle valeur en « libre-service », mais l’articulation construite par chacun d’une pluralité de valeurs humaines.

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L’esprit de famille.

L’esprit de mai 68, ce serait également la « haine de la famille » (Sarkozy), la familiphobie (Manif pour (pas) tous), le meurtre du Père symbolique (version psychanalyse). La « libération sexuelle » serait la liquidation de la « famille durable » et de la filiation biologique, ordre naturel à la base de toute société, et aboutirait à la confusion des « genres ». Faut-il donc revenir à l’ordre sexiste avec ses stéréotypes ? L’anthropologie a suffisamment montré que la famille est une fabrication culturelle qui prend des formes multiples dans l’histoire des sociétés. Elle continue d’évoluer. Ce n’est pas pour autant qu’est justifié n’importe quel fantasme qui s’inscrirait ensuite dans la loi.

Les banderoles de la Manif pour (pas) tous dessinaient papa, maman, une fille, un fils. C’est un beau quatuor: moi aussi je l’ai joué, bien avant. La famille « standard », c’est formidable, le plus souvent, quand il n’y a pas la tromperie, les violences conjugales, la maltraitance et l’inceste. Mais pourquoi faudrait-il rabaisser les familles recomposées, les familles monoparentales, les familles d’adoption, les familles homosexuelles, au nom d’un intégrisme qui veut s’imposer à tous et fait de l’amour un sentiment à géométrie variable ?

Faut-il rappeler que Marie est une vierge-mère porteuse (version sacrée) ou une fille-mère (version profane) et que Jésus a deux pères, un père céleste et un père terrestre adoptif ? Que le Christ est venu apporter la guerre dans les familles (Matthieu 10.34-35) ? Que sa grande disciple féminine est, selon la tradition, une prostituée repentie, Marie-Madeleine ? Que, selon Paul, l’église a pour « époux unique » le Christ (2 Corinthiens 11.2) ? Que la femme doit être « soumise en tout » à son mari (Ephésiens 5.22-23) ? Que les prêtres catholiques se présentent en un cortège d’hommes en soutane, des hommes voués au célibat, avec toutes les transgressions qu’accompagne le vœu de renoncement à la vie sexuelle (transgressions sympathiques des amours cachées, transgressions terribles des actes pédophiles)? Curieuses références familiales pour les anti-Mai 68.

Enfin, Mai 68 n’a pas plus liquidé « l’école de Jules Ferry » qu’elle n’a liquidé la famille : « Ils avaient cherché à faire croire que l’élève valait le maître, qu’il ne fallait pas mettre de note pour ne pas traumatiser les mauvais élèves, qu’il ne fallait pas de classement» dit Sarkozy, professant un simplisme de dernier de la classe. Il attribue à une pédagogie anti-autoritaire qui aurait soi-disant pris le pouvoir, les insuccès des multiples réformes du système éducatif qui ont tenté d’adapter l’école à ses nouvelles conditions. Observons juste ceci : la Finlande possède une des écoles les plus performantes du monde, et pourtant là-bas, il n’y a pas de classement et pas d’évaluation chiffrée des élèves dans la première partie de leur scolarité.

Libérez la parole, pas la violence.

Mai 68 a ouvert des débats et libéré la parole: des groupes de discussion passionnés se formaient autour d’affiches manuscrites, collées sur les murs du Quartier latin, autour de la Sorbonne; dans les assemblées libres, au Théâtre de l’Odéon et ailleurs, beaucoup osaient s’exprimer; partout les gens se parlaient.

L’organisation inorganisée, c’était le comité d’action auquel participait qui voulait, quand il le voulait. Les mots d’ordre circulaient horizontalement et non pas du sommet à la base. L’idéal en vue était la fédération d’égaux avec un arrière-goût d’anarchisme.

L’idée de démocratie directe avec ses vertus et ses aléas est donc réactivée par Mai 68. On dira aujourd’hui plus sagement démocratie participative: les citoyens doivent être associés aux décisions publiques et pas seulement déléguer la souveraineté. Au demeurant, mai 68 défila à côté de l’Assemblée nationale sans un regard pour elle. « Elections, piège à cons« , le slogan provocateur peut passer pour anti-démocratique, alors qu’il en appelle à une démocratie vivante.

Le mouvement de mai se déploie durant un mois face à un pouvoir qui semble douter de lui et ne présente plus que sa face policière. Mais à la fin du mois et au début juin, il fait un retour en force qui se traduit aux législatives par le tsunami électoral de la majorité silencieuse en faveur de l’ordre gaulliste. Du point de vue de Mai 68, c’est une vérification du slogan qui vient d’être cité !

Malgré le lourd bilan de la répression par les « forces de l’ordre », trois morts (deux ouvriers et un étudiant), des centaines de blessés, on peut dire que la violence est restée circonscrite en mai. CRS=SS est un slogan aussi euphonique qu’inexact. Quant à la violence des manifestants, elle a été essentiellement réactionnelle, érigeant des barricades en ouvrages défensifs. Mai 68, en France, n’a pas conduit aux dérives de l’action violente qu’ont connues l’Italie et l’Allemagne (à part quelques soldats perdus d’Action directe). Ceux qui ont été tentés par cela, les maoïstes de la Gauche prolétarienne, se sont arrêtés rapidement. Fait rare, cette organisation s’est auto-dissoute en 1973, laissant place au quotidien Libération – autre chose que le Libé d’aujourd’hui.

Le réseau façon Internet.

Dans l’esprit d’une relation horizontale non hiérarchique, peer to peer, on trouve Internet. L’idée d’un nouveau système de communication s’élabore au début des années 1960 dans les laboratoires militaires du Pentagone, avant de basculer vers le monde civil. Le WEB grand public date des années 1990 et les réseaux sociaux explosent dans la première décennie des années 2000. La manière dont les innovateurs ont perfectionné le Net, la manière dont les gens s’en sont emparés pour conduire à la réussite des réseaux sociaux relève de l’esprit de mai 68, pris au sens large. Il y a, particulièrement en Californie, une connexion entre la contre-culture héritée du mouvement hippie et le développement de l’ordinateur personnel. Avec Internet, nous sommes, en quelque sorte, tous addicts à Mai 68. Ce succès – pour le meilleur et pour le pire – inquiète d’ailleurs tant les Etats qu’ils s’activent à mettre le réseau sous un espionnage total.

Le réseau façon néo-management.

L’idée du néo-management des entreprises avec son organisation du travail en réseau et la dispersion horizontale de la responsabilité, signifie-t-elle que Mai 68 n’a fait que préparer une mutation du capitalisme ? On ne peut dire cela. Le propre du capitalisme, c’est son besoin de justification permanent face à la critique, ce qu’il fait en récupérant pour son compte tout ce qui s’oppose à lui, absorbant et anesthésiant ainsi la contestation, s’annexant des valeurs qui sont niées par son fonctionnement effectif. C’est la force du capitalisme, c’est ce qui fait qu’il est toujours difficile de se projeter au-delà de son horizon.

Or il ne s’agit dans le capitalisme, encore et toujours, que de produire de la « servitude volontaire » sur fond de compétition entre les individus: tout le contraire de l’esprit de mai 68. On ne peut pas plus se servir du néo-management pour condamner l’esprit de mai 68 qu’on ne peut condamner, par exemple, une avancée médicale parce qu’elle est confisquée par une multinationale.

C’est pourquoi traiter les « soixante-huitards » de cyniques, comme le fait Sarkozy est irrecevable: les acteurs de mai 68 étaient tout sauf des cyniques, plutôt des naïfs et des utopistes. On trouve d’anciens de mai 68 aux quatre coins du champ social. Certains se sont « établis » comme ouvriers ou paysans et le sont restés. D’autres ont intégré la finance ou la publicité, cédant aux sirènes de l’ultralibéralisme. On trouve aussi André Glucksman, soutien de… Sarkozy en 2007 et Kouchner, l’un de ses ministres. Et alors ? Le reniement des uns ne fait pas le cynisme de tous.

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Réenchanter la vie.

Dans le mouvement de mai, c’est la dimension culturelle et « sociétale » qui est en avant, avec son goût de liberté et d’égalité. Mai 68 ne voulait pas « prendre le pouvoir » et ne l’a pas pris. Il reflète l’aspiration d’une nouvelle génération à trouver sa place dans la société en changeant la société. Le coeur de ce qui peut s’appeler l’esprit de mai 68, c’est cette poussée pour ouvrir des portes cadenassées, démasquer la manipulation des existences, offrir des possibles nouveaux en rupture avec le conformisme, oscillant entre un slogan à l’emporte-pièce comme « Tout, tout de suite » et l’espoir d’une action construite dans la durée, comme celle du Larzac.

La spécificité de Mai 68, c’est l’articulation entre une exigence d’autonomie personnelle (qui n’est pas l’individualisme) et le goût du collectif (qui n’est pas le collectivisme.)

Liberté, égalité, solidarité (plutôt que travail, famille, patrie), utopie d’autogestion et de démocratie directe, refus du repli communautariste et de l’exclusion de populations-cibles (mai 68 a été anti-raciste), soutien à la libération des peuples et préfiguration de l’action humanitaire, libre expression et horizontalité des échanges, contestation du consumérisme et prémices de l’écologie, libération des moeurs et libération des femmes, tous ces éléments appartiennent à l’esprit de mai 68 et ont diffusé dans la société entière.

Ils s’inscrivent dans une tendance de fond des sociétés contemporaines et se heurtent à une réaction conservatrice qui répète le même discours:
« Le droit égal de tous aux biens et aux jouissances de ce monde, la destruction de toute autorité, la négation de tout frein moral, voilà, si l’on descend au fond des choses, la raison d’être de l’insurrection du 18 mars  » (Enquête parlementaire, cité par Guy Debord dans La Société du Spectacle): c’étaient les « Versaillais » (tiens, tiens, on retrouve ici la base arrière des radicaux de La manif pour (pas) tous) qui dénonçaient les communards de 1871.

Encore un point pour revenir à l’« horizontalité ». Exclut-elle toute verticalité ? Non, c’est l’autorité arbitraire, conservatrice, statique qui est contestable. Il y a une verticalité, sinon les hommes ne feraient pas société – mais quelle verticalité, sans Dieu ni maître? C’est un autre sujet.

Rejouer mai 68 ?

D’autres interprétations de mai 68 sont possibles tant l’évènement échappe aux catégories usuelles. La critique de gauche pointe son côté crypto-libéral : l’affirmation radicale de la liberté aurait conduit à l’ultralibéralisme qui domine aujourd’hui nos sociétés. La critique de droite appuie au contraire sur son côté libertaire : la permissivité sans limite aurait présidé au délitement de l’ordre social qui se produit sous nos yeux. Au vu de ce qu’a été effectivement mai 68, ces interprétations sont irrecevables. Partant d’aspects négatifs de la société présente, elles en attribuent rétrospectivement la responsabilité à un Mai 68 fabriqué pour y répondre.

La question de refaire mai 68 (ou, version réactionnaire, de faire un contre-mai 68), mimant les récents printemps arabes, n’a pas de sens. Mai 68 ne se décrète pas. L’histoire ne ferait que bégayer. Autre chose reste à inventer face à la tentation montante du libéralisme autoritaire, du « populisme » et du retour de l’ordre moral.

Il reste une fidélité possible à l’esprit de mai 68 qui puise à une tradition d’indignation et de révolte et se traduit dans des actions aujourd’hui dispersées. Mais l’évènement mai 68, en tant que tel, est périmé. Il a produit ses effets. On ne peut pas repartir de lui. Mai 68 s’est dores et déjà transformé en autre chose, qui tarde à venir.

Sans la nostalgie donc, Mai 68.

Références.

Daniel Cohn-Bendit “Oubliez Mai 68 !” dans Télérama du 26 mars 2008
Luc Ferry est cité d’après: L’entrevue – Mai 68, ou le triomphe de l’individualisme
Le discours de Nicolas Sarkozy se trouve sur: Discours à BercyDiscours 2007.       La citation rapportée par Guy Debord dans La Société du spectacle (1967), se trouve p.67 dans l’édition Folio Gallimard, 2000.
Gilles Deleuze et Félix Guattari L’Anti-oedipe Ed. de Minuit, 1972 et Mille plateaux Ed. de Minuit, 1980.
Alain Touraine Le mouvement de mai ou Le Communisme utopique (1968), nouvelle édition: Le Livre de poche, 1998.
Luc Boltansky et Eve Chiapello Le Nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.
Crédit photos: images d’affiches prélevées sur le Web.                                                   Le pastiche d’affiches de mai 68 par les anti-mai 68 de La Manif Pour Tous est visible sur: L’inspiration soixante-huitarde des opposants au mariage gay – Le Figaro

Une réflexion sur « Mai 68, la nostalgie en moins. »

  1. Envoyé le 19/05/2014 à 17 h 09 min
    merci pour ces mises au point rafraichissantes et pleines d’un sage recul du temps.
    j’ai 42 ans et mes parents nés avant guerre sont passés « à travers » les évènements de mai 68, il n’y ont pas vu de coupure et n’en ont pas pris le train car ni assez jeunes ni intellectuels, ils étaient dans la continuité de leurs parents avec pour principaux évènements leur venue à Paris puis la guerre d’algérie et enfin le travail et la vie de famille.
    j’ éprouve encore ce décalage social et culturel avec les parents parisiens de mes amis, 10 ou 15 ans plus jeunes.
    ce n’est qu’à partir de l’université à Paris que l’évidence d’une « génération 68″ de parents de mes camarades m’est apparue, plutot cultivée et bourgeoise, jamais prolétaire ou immigrée (mon milieu).
    Sarkosy et autres contempteurs se servent évidemment de cela à des fins populistes contre le « réenchantement de la vie » que vous évoquez, mais je suis personnellement bien conscient d’un changement libertaire des mentalités dont je suis fier de profiter depuis des décennies.
    mais je ressens comme vous le retour du baton pré_68 et non pas seulement un « effet boomerang ».
    bien à vous

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